07.09.2021

Bien gérer les pâtures pour limiter le parasitisme

Par le Dr Sophie Paul-Jeanjean, Responsable technique et scientifique de la gamme équine Boehringer Ingelheim.

 

De nos jours, les parasites les plus préoccupants sont les petits strongles et les ténias chez les équidés adultes et les ascaris chez les poulains. On sait que 90% des éléments parasitaires (notamment les œufs et les larves) se trouvent dans l'environnement, contre seulement 10% dans l'organisme des chevaux. Les mesures sanitaires prises pour réduire la contamination du milieu extérieur ont donc un intérêt majeur d’autant qu’il est urgent de limiter le recours aux vermifuges du fait du risque d'apparition de résistances. 

 

Concernant les petits strongles, les parasites présents dans l’intestin du cheval pondent des œufs qui sont excrétés dans les crottins. Ces œufs éclosent, se transforment en larves qui se déplacent hors des crottins dans l’herbe et infestent les équidés. Pour les ascaris, ce sont les œufs eux-mêmes qui constituent les formes infestantes.

 

Intérêt de ramasser les crottins dans les paddocks et les herbages : comment faire pratiquement ?

Le ramassage des crottins réduit l’infestation des équidés par les petits strongles. L’idée est de ramasser les crottins avant que les œufs n’aient le temps de se transformer en larves et soient ingérées par les équidés. Plus la température augmente plus le développement des œufs en larves est rapide. En Normandie, il faudrait ramasser les crottins 1 fois par semaine aux mois de mars, avril et octobre et 2 fois par semaine entre mai et septembre. Concernant les ascaris, il n’y a pas vraiment de règle concernant la fréquence puisque ce sont les œufs, qui ne peuvent pas se déplacer, qui infestent les équidés. Ces œufs peuvent résister plusieurs années sur les pâtures. Le ramassage des crottins est donc intéressant dans les paddocks dits « de détente » qui n’ont pas pour vocation de nourrir les équidés. Dans les prairies, les nutriments issus de la dégradation des crottins s’incorporent progressivement dans le sol et procurent un apport de matières organiques qui compensent les exportations de matières réalisées par le pâturage des animaux ou les récoltes de fourrages. De plus, les crottins sont une ressource indispensable pour certains invertébrés (faune coprophage) et le ramassage peut appauvrir la diversité animale.

Le ramassage des crottins ne devrait donc être réalisé que sur les pâtures hébergeant des poulains ou des jeunes chevaux, sensibles au parasitisme, lors de risque parasitaire probable (fort chargement, mouvements fréquents) ou avéré. 

De manière générale, il est conseillé de recourir à une fertilisation par épandage de fumier composté. 

 

Efficacité du gel et du temps chaud et sec pour détruire les larves de strongles

Même en dessous de 0°C, les œufs et les larves infestantes peuvent survivre plusieurs mois. En revanche, les alternances gel/dégel sont préjudiciables à leur survie. En dessous de 6°C, les œufs n’éclosent pas et en dessous de 10°C les larves se développent très lentement (plusieurs semaines à plusieurs mois). À la sortie de l’hiver, la parcelle est donc assainie : il reste une faible quantité de larves qui ont résisté à l’hiver et qui sont en mesure d’infester le cheval.

Les larves sont sensibles à la chaleur, à la sécheresse et aux rayons UV, mais elles peuvent se protéger dans les crottins, voire à la base des brins d’herbe et survivre plusieurs semaines. Pour assainir la parcelle, il faut aux périodes chaudes et sèches priver les larves de leur abri par le hersage ou la fauche et laisser la parcelle au repos pendant quelques semaines. Il est difficile de donner un temps de repos exact car cela est très variable en fonction des conditions météo. 

 

Optimisation des rotations de pâtures d’un point de vue alimentaire et d’un point de vue parasitaire

Le pâturage tournant rapide est le plus efficace pour les animaux à forts besoins alimentaires, par exemple les jeunes chevaux en croissance. La surface offerte est divisée en 3 à 5 sous-parcelles qui seront pâturées successivement pour exploiter le cycle de l'herbe au stade optimum, le stade feuillu. Dans les régions assez humides, comme en Normandie, on pratiquera au printemps un chargement de 2 à 5 chevaux par hectare, puis on passera à 1,5 à 2 chevaux par hectare en été.

Le pâturage continu ou semi-continu est suffisant pour les équidés à faibles besoins (chevaux à l’entretien, poneys…), mais on observe une dégradation de la flore et l’apparition de zones de refus si aucune fauche n'est réalisée. En Normandie, un chargement de 2,5 à 3 chevaux par hectare au printemps et de 2 chevaux par hectare en été est conseillé. 

D’un point de vue parasitaire, le pâturage tournant permet de retarder l’infestation en début de saison : si le pâturage tournant est plus rapide que le développement des œufs en larves, celles-ci ne seront pas développées avant le départ des équidés sur la parcelle suivante. Cela fonctionne si les chevaux ont été vermifugés et excrètent peu d’œufs dans les crottins au début du pâturage.   

Concernant le chargement, en général plus il augmente plus le risque parasitaire augmente : la densité des crottins est plus importante et les équidés se nourrissent à proximité des crottins. Cependant un fort chargement réduit le couvert végétal et donc l’abri des larves vis-à-vis de la sécheresse et des rayons UV. La relation est donc complexe.

 

Conclusion

Le lien entre pratiques de pâturage et infestation parasitaire est complexe et étroitement dépendant des conditions météo. Il est difficile d’établir des généralités et peu d’études ont validé l’intérêt de telle ou telle pratique.  

C’est pourquoi l'IFCE, en collaboration avec l’ANSES, ONIRIS et l’INRAE travaille à la mise au point d’un outil de simulation du risque parasitaire prenant en compte la météo et le planning de pâturage afin de déterminer quelle est la période à risque pour les équidés, et de simuler différentes pratiques et leurs conséquences sur l’infestation des équidés. 

Pour en savoir plus, visionnez la Minute Santé dédiée à cette thématique :

 

 

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Crédit photos : D. Gautier